profil d'un chesapeake

profil d'un curly

profil d'un flat
profil d'un golden
profil d'un labrador
profil d'un nova

par Jean Marc Wurtz

L’étude des origines du labrador indique bien que tout le matériel génétique nécessaire à l’expression des trois couleurs de robe reconnues par le standard était déjà bien en place aussi bien chez leur ancêtre direct, le chien de St. John, que chez les variétés de chiens dont ce dernier est issu. Dans son livre « Advanced labrador breeding » (1988), Mary Roslin Williams, qui produisit des labradors sous le célèbre mythique Mansergh, écrivait : «Je pense qu’il faut à couleur1présent admettre qu’il y eut toujours des robes jaunes qui apparaissaient au sein de portées de chiots noirs bien que les vieux éleveurs et leurs gardes les consignaient au chenil et se gardaient bien d’en parler. Il en fut de même pour les chiots marron qui naissaient occasionnellement. La grande comtesse Lorna Howe est réputée pour avoir dit à l’un de ses amis qui évoquait la couleur jaune chez le labrador : ‘Labrador is a black dog’ ! ».
Au début du XXe siècle, tout comme aux premières heures de son histoire, le labrador « politiquement correct » était de couleur noire, bien que des chiens à robe jaunes soient connus depuis plusieurs années. De nombreuses rumeurs, en effet, faisaient état de chiots jaunes nés dans des portées issues de parents noirs et ce, depuis les débuts du développement de la race en Angleterre. Et à coté de ces rumeurs, une première preuve, le tableau représentant Mrs Josephine Bowes et sa chienne Bernardine. Ce tableau, peint par Antoine Durey et daté de 1848, est visible au Bowes Museum et nous montre que Bernardine était un labrador jaune typique.
Et puis il y a les écrits. On évoquera E. C. Ash et Vero Show qui tous deux nous parlent du Dr. Bond Moore, célèbre éleveur de wavycoated de type labrador, et chez qui naissaient régulièrement des chiots de couleur « dorée » dans des portées de noirs.
L’histoire de la couleur jaune débute officiellement dans les chenils du Major Radcliffe, du Colonel Clayton Swan, de messieurs F.Starker et H.G. Hatkinson et du dernier Comte de Feversham. Tous possédaient des labradors à robe jaune et c’est en croisant leurs différentes lignées entre elles qu’ils contribuèrent à fixer cette couleur.
Tout avait commencé chez le Major Radcliffe avec son chien Ben of Hyde qui fut le premier labrador à robe jaune enregistré officiellement par le Kennel Club. Ben était né en 1899 (ou en 1902 ?) de deux parents noirs, Tappler Duchesse, une femelle aux origines inconnues et Radcliffe’s Neptune dont les ascendants sont biens documentés sur trois générations. Ses parents descendaient directement de cinq chiens arrivés sur les quais de Poole au début des années 1870, ramenés par bateau depuis Terre Neuve par monsieur Hawker. Deux de ces chiens furent acquis par le père du Major Radcliffe, monsieur C. J. Radcliffe, les trois autres allant chez monsieur Guest, futur Lord Wimborne. Le mariage entre Ben of Hyde et les chiennes Nell et Pink, au colonel Clayton Swan, sera à l’origine de toutes les lignées de jaunes.
On peut estimer que la couleur jaune fut stabilisée en 1913. En cette même année, l’organisateur de l’exposition nationale se tenant à Olympia sollicita le soutient du Major Radcliffe. Ce dernier contacta plusieurs de ses amis, leur demandant d’y inscrire leurs chiens. C’est ainsi que pour la première fois on vit une classe entièrement remplie de labradors à robe jaune. Les quatre premiers furent tous des descendants de Ben produits par madame Wormald à partir de Velvet et Knaith Lady.

couleur2couleur3

Ben of Hyde et à droite, le Major Radcliffe.

 

Un événement presque anodin fut déterminant pour l’avenir de la couleur jaune. Lors d’une partie de chasse, le Major Radcliffe céda à Lord Lonsdale un de ses chiens jaunes. Depuis, celui-ci en a racheté d’autres ayant les mêmes origines et il prouva qu’on pouvait en toute confiance utiliser un labrador jaune à la chasse. L’une des caractéristiques de ces labradors jaunes était la qualité de leur robe, typique des chiens venus des pays froids. La relation privilégiée de Lord Lonsdale avec la famille royale d’Angleterre sera déterminante, c’est lui qui fera découvrir et aimer la couleur jaune au futur roi Georges V.

En juillet 1924 fut créé à Londres le Yellow Labrador Club et il fut affilié au Kennel Club l’année suivante. Comme beaucoup de grandes décisions, cette création fit suite à un incident mineur survenu au cours du Kennel Club Show de 1923 à Alexandra Palace. Madame Wormald y présentait son mâle jaune Knaith Bounce. Elle se vit empêchée d’entrer dans le ring par le commissaire, celui-ci prétextant que son chien était un golden retriever et non un labrador.
couleur4Lord Lonsdale (photo de gauche) en fut le premier président et le Major Radcliffe le vice-président. Cette création permis de clarifier quelque peu la classification des races de retrievers au sein desquelles régnait alors la plus grande confusion, notamment en ce qui concernait les couleurs de robes. Jusqu’au début des années 1920, le Kennel Club enregistrait tous les retrievers de façon globale. Les confusions entre labradors à robe jaune et le Golden Retrievers étaient fréquentes et les croisements entre ces deux chiens sans doute de pratique courante. Certaines photos d’époque l’attestent sans l’ombre d’un doute. Dès 1912, de nombreux articles cynophiles attiraient l’attention sur les confusions éventuelles entre ces deux chiens....y compris chez nous en France. Après la création du Yellow Labrador Club le Kennel Club veilla donc à bien distinguer les labradors jaunes des Golden Retrievers. La dénomination « jaune » ne fut plus attribuée officiellement qu’aux chiens de race Labrador. En 1929, le Duc de York, futur Roi Georges V, accepta de parrainer le Yellow Labrador Club. Il est fondamental de noter que ce monarque fut d’un poids décisif dans la reconnaissance et la popularité de cette couleur. Le Roi Geoges V meurt en 1936. A partir de 1938, son fils Georges VI prendra sa relève jusqu’à sa propre disparition en 1952. En mai 1953, sa majesté la Reine Elisabeth II accorda à son tour son parrainage au yellow labrador club perpétuant l’engagement de la famille royale d’Angleterre en faveur du labrador jaune.
Les mariages entre labradors jaunes et noirs étaient fréquents et pourtant, pendant longtemps, une question agita beaucoup les esprits pendant une bonne partie de la première moitié du XXe siècle, nombreux étant ceux qui voyaient dans le labrador jaune une variété bien distincte de celle à robe noire. Ainsi, le Kennel Club fut-il l’objet de la pression de nombreux éleveurs produisant exclusivement des labradors jaunes afin qu’il sépare la race labrador en deux variétés distinctes ayant chacune son livre des origines propre. Un standard propre au Labrador jaune fut même rédigé. Il fallu tout le poids et la persuasion de Lord Knutsford et de la comtesse Lorna Howe pour faire taire la discorde. En France aussi ce débat eu lieu et fut réglé grâce à l’intervention en 1935 de monsieur Louis Tabourier alors président du Retriever Club.

La couleur marron, plus communément appelée chocolat, n’a pas connu la même destinée fulgurante que la couleur jaune. Aucun « père officiel », aucun soutient d’une famille illustre et une reconnaissance qui fut fort lente à venir...et que certains lui accordent encore difficilement de nos jours. De plus, les traces écrites de chiens à robe marron sont des plus discrètes. « L’émergence de cette couleur a donc sans doute été le fait de quelques naissances dues au hasard, à partir d’illustres inconnus, isolément ou plus ou moins simultanément par la force des choses, faisant que, le nombre de naissances augmentant, certains amateurs souhaitant se démarquer de l’habituel furent poussés à cultiver la différence » comme aime à le dire madame De St. Fuscien.
couleur5Si, contrairement à la variété jaune, il est impossible de retrouver « le premier » labrador marron, tout laisse à penser que deux des chiens les plus emblématiques de la race labrador retriever, Buccleuch Avon et Banchory Bolo, étaient tous deux porteurs du gène chocolat, le second descendant du premier ! A droite, Banchory Bolo et la Comtesse Howe.

M.R. Williams avait écrit: « Considérer le labrador chocolat comme un labrador de pure race est éloigné de la vérité. Cette couleur provient des Pointers, des Chesapeake Bay Retrievers et, plus tard, des Flatcoateds ». Il y aurait matière, au travers de la littérature, à étayer ces trois pistes. Nous ne le feront pas ici. Le labrador n’avait pas besoin du pointer pour être de teinte chocolat. Ses origines, son histoire et la génétique lui suffirent. Certes sa route croisa celle du Chesapeake et u n rôle probable de ce dernier n’est pas à exclure. Quant au flatcoated, son influence sur la race labrador n’est plus à démontrer, ces deux races, non contente de partager une ascendance terre-neuvienne commune, ayant été abondamment croisées entre elles jusqu’après la seconde guerre mondiale. Il y eut plusieurs Flatcoateds célèbres dont la robe était marron, qui reproduisirent beaucoup et dont le nom se trouve dans les pedigrees de bien des labradors nés aux premières heures de la race. Nous citeront Don of Gewin et Horton Max, ce dernier souvent retrouvé dans le registre de chenil des Ducs de Buccleuch.
Comme le fait remarquer madame De St Fuscien : « Les flatcoated liver n’étaient pas rares, les labradors de type correct n’étaient pas nombreux, on croisait donc les deux et il naissait des labradors marron si les 2 reproducteurs étaient porteurs de gènes adéquats. C’est de ce brassage que sont issus nos chiens, nous devons en être conscients et admettre qu’il était inévitable de voir apparaître des couleurs autres que le noir souhaité par les inventeurs de la race.».
Vers 1880 était signalé un retriever chocolat chez Lord Tweedmouth, le père de la race golden retriever, chien qui ne fut jamais utilisé pour la reproduction en raison de « son caractère trop éloigné de celui requis pour un golden retriever » mais sans qu’il soit fait allusion à un labrador chocolat importé.
Dans les registres de chenil des ducs de Buccleuch, trois lignes dans les notes de préface de Lord Georges Scott nous apprennent que : « Par le passé, il est arrivé aux chenils Buccleuch que naissent des portées de marrons. Ce n’était pas fréquent et cela ne s’est pas reproduit depuis plusieurs années » .Plus loin dans ces mêmes registres, on découvre que des chiens chocolat apparurent dans cet élevage après l’arrivée de FT. Ch. Peter of Faskally (1908), un descendant de Buccleuch Avon (1885) et grand-père paternel de Banchory Bolo. Nous y apprenons encore que le Comte de Feversham avait quelques spécimens de labrador chocolat et sa chienne Nawton Pruna, qui produisit aussi des chiens jaunes, se distinguait en field trial dans les années précédant la première guerre mondiale.

En 1961, Cookridge Tango à madame Pauling, fut le tout premier labrador chocolat à obtenir un titre de champion. Ironie de l’histoire, son CC lui fut attribué par.....M.R. Williams.