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par le Dr Jean Marc Wurtz

 

Eclipsée par la dysplasie de la hanche, la dysplasie du coude est une pathologie mal connue et encore fortement sous-estimée alors que ses conséquences se révèlent être plus graves que celles de la dysplasie de la hanche. Son diagnostic est souvent difficile et posé tardivement à un stade où, malgré la mise en route d’un traitement adapté, la guérison complète est devenue impossible et source d’un handicap définitif.

C’est une affection de l’appareil ostéo-articulaire particulièrement répandues dans l’espèce canine qui, tout comme la dysplasie de la hanche, affecte préférentiellement les races de grande taille à croissance rapide.

La dysplasie résulte d’une malformation de l’un des composants de l’articulation. Une articulation est le point de rencontre entre deux ou plusieurs os, unis entre eux par des ligaments, et destinés à être mobiles l’un par rapport à l’autre. Elle est entourée d’un manchon protecteur appelé capsule articulaire. Les surfaces osseuses en contact sont appelées surfaces articulaires et sont recouvertes d’un cartilage destiné à faciliter les mouvements des os entre eux, l’ensemble baignant dans un liquide appelé liquide synovial et qui fait office de lubrifiant.

Lorsqu’une articulation est dysplasique, les mouvements qui s’y effectuent sont soumis à des contraintes mécaniques anormales qui conduisent à une usure prématurée puis une destruction des cartilages et des extrémités osseuses aboutissant à la constitution de lésions d’arthrose. Celle-ci se traduit cliniquement par une douleur et une boiterie handicapant plus ou moins l’animal.

Comme la dysplasie de la hanche, celle du coude est, au départ, une maladie génétique et est donc transmissible à la descendance. Le premier traitement Dys coude 1est donc préventif et consiste en un dépistage systématique des sujets atteints afin de les écarter des circuits de reproduction.

Généralités.

Le coude est l’articulation qui unit les os de l’avant-bras, le radius et l’ulna (ou cubitus), à celui du bras, l’humérus. La dysplasie du coude résulte d’un développement non harmonieux entre les différents os du coude aboutissant à la rupture de l’homogénéité du contact entre les surfaces articulaires de ces trois os.

H = Humérus

R = Radius

U = Ulna

1 = Processus coronoïde

2 = Processus anconé

3 = Incisure trochléaire

 

Cette maladie touche préférentiellement les grandes races et son incidence est actuellement évaluée à 19% chez les golden retrievers, 15% chez les labradors alors qu’elle est de 40% chez les bouviers bernois.

Le déterminisme génétique de cette affection est encore très mal connu mais est probablement multi génique. Tout comme pour la hanche, les gènes responsables sont, à ce jour, inconnus.

L’influence de l’alimentation et de l’exercice physique sur cette pathologie est encore mal précisée mais elle est réelle. De ce fait il faut donc parler comme pour la hanche de l’héritabilité de cette affection.

 

L’héritabilité résulte d’un calcul mathématique statistique et détermine, pour une race donnée, l’influence que peuvent avoir les facteurs environnementaux. Si l’héritabilité est de 0, la part génétique peut être totalement contrecarrée alors que si elle est de 1, les facteurs environnementaux ne peuvent avoir aucune influence. Sa valeur pour le coude n’est pas encore clairement établie mais semble tourner aux alentours de 0,3 – 0,4. Certaines études plaideraient en faveur d’une valeur plus élevée chez le mâle que chez la femelle.

Tout comme pour la hanche, le respect strict des règles hygiéno-diététiques en matière d’alimentation, de contrôle de la prise de poids et de l’exercice physique est fortement recommandé même chez des chiots issus de parents sains.

 

Le dépistage chez les sujets destinés à la reproduction est radiologique et consiste en trois clichés par coudes afin de rechercher, chez un chien adulte, des signes d’arthrose. La lecture des clichés permet de définir cinq stades :

 

  • Grade 0 = Coude normal, chien indemne.

  • Grade SL = Stade limite, presque normal mais coude avec très légers défauts.

  • Grade DC1 = Arthrose légère.

  • Grade DC2 = Arthrose modérée et altération modérée du tissus osseux.

  • Grade DC3 = Arthrose sévère et altération importante du tissus osseux.

En Allemagne par exemple, il est fortement déconseillé de faire reproduire des chiens à partir du Grade DC2 même unilatéral.

Trois grands mécanismes sont à l’origine de cette pathologie :

  • La dysharmonie de croissance.

Pendant la période de croissance du chiot, radius et ulna se développent de façon parallèle et harmonieuse. La croissance des os est le fruit de l’activité de zones cartilagineuses situées au sein de l’os, les cartilages de croissance. Le défaut de fonctionnement de l’un des quatre cartilages de croissance présents au niveau de ces deux os fera que le radius et l’ulna n’auront pas la même taille. Donc, au lieu de présenter avec l’humérus une surface de contact unique et homogène, on retrouvera une surface séparée en deux par une « marche d’escalier », zone responsable du conflit mécanique à l’origine des lésions osseuses et cartilagineuses. Selon que le défaut de croissance touche le radius ou l’ulna, les lésions osseuses seront soit la fragmentation du processus coronoïde (radius trop court) soit la non union du processus anconé (cubitus trop court), ce deuxième mécanisme épargnant totalement nos races de retrievers.

  • Le défaut d’ouverture de l’incisure trochléaire.

  • La trochlée est la surface articulaire de l’humérus au niveau du coude. Elle possède une incisure, sorte de gouttière en V renversé dans laquelle s’emboîte et glisse la surface articulaire de l’ulna.

La trochlée peut connaître un défaut de développement faisant que l’angle du V ne soit pas assez ouvert pour que l’ulna puisse s’y emboîter correctement. La friction mécanique qui en résulte aboutit selon les cas soit à la fragmentation du processus coronoïde soit à la non union du processus anconé soit à l’association des deux.

  • L’ostéochondrose disséquante.

Il s’agit d’un défaut de structure de l’os à sa jonction avec le cartilage qui recouvre les surfaces articulaires (défaut d’ossification endochondrale). Il en résulte un épaississement et une fragilisation de ce cartilage qui subit alors des contraintes de cisaillement lors des mouvements de l’articulation. Le cartilage va tout d’abord se fissurer puis se décoller de l’os, le fragment décollé, une pastille pouvant atteindre la taille d’une pièce de 1€, flottant librement dans l’articulation. Ces lésions touchent surtout la partie interne de la trochlée.

Diagnostic.

Les signes cliniques se résument à une boiterie rebelle chez un chiot âgé de cinq à douze mois, réagissant mal aux traitements antalgiques et anti- inflammatoires. A l’examen de l’articulation, on retrouve une réduction de la mobilité et la mise en flexion du coude est douloureuse. L’efficacité imparfaite du traitement médical doit faire évoquer le diagnostique.

Les clichés radiographiques ne sont pas toujours très concluants surtout chez les jeunes chiots et il est clairement établi de nos jours que l’examen de référence pour affirmer le diagnostique est le scanner.

Une fois le diagnostic posé, quel traitement proposer ?

Le traitement médicamenteux seul donne des résultats significativement moins bons que la chirurgie. Le traitement idéal est l’association d’un geste chirurgical et d’un traitement médicamenteux.

Le traitement médicamenteux associe des substances antalgiques et des anti-inflammatoires. Une nouvelle gamme de molécules, les inhibiteurs de dégradation du cartilage, semble offrir des résultats très prometteurs. A ces médicaments viennent bien sûr s’ajouter les règles d’hygiène de vie habituelles avec au premier plan, la lutte contre l’excès de poids.

 

Le traitement chirurgical repose en premier lieu sur une arthroscopie du coude. Il s’agit d’un examen chirurgical, réalisé sous anesthésie générale qui consiste à visualiser l’intérieur de l’articulation à l’aide d’une petite caméra prolongée par un fin tube optique introduit au travers d’une toute petite incision. Cet examen permet de préciser le mécanisme et de faire le bilan précis des lésions. Par le biais d’une seconde petite incision, des instruments chirurgicaux peuvent être introduits dans l’articulation. On peu ainsi, au cours de la même anesthésie réaliser un premier traitement chirurgical et « nettoyer » l’articulation de tous les débris osseux et cartilagineux et de régulariser les surfaces articulaires. Dans certains cas, le geste chirurgical initial de « nettoyage » articulaire réalisé lors de l’arthroscopie est suffisant.

Une seconde intervention sera parfois nécessaire par la suite, plus importante. Cette arthroscopie permettra de le préciser et d’en informer les propriétaires du chien. Différentes techniques sont décrites dont le choix dépend du mécanisme de la dysplasie et des lésions existantes ainsi que des habitudes des équipes vétérinaires.

Les résultats actuels sont favorables dans seulement cinquante à soixante dix pour cent des cas. Principal responsable, la pose souvent tardive du diagnostic et donc la mise en œuvre tout aussi tardive de la chirurgie. Enfin, des modèles de prothèses totales de coude sont en cours d’évaluation aux Etats Unis.

 

D’après une conférences réalisée lors de la nationale d’élevage du retriever club de France à Sully sur Loire en septembre 2005 par le Dr. A. Guillemot, vétérinaire orthopédiste.

Avec l’aimable autorisation des conférenciers et l’aide précieuse, pour ce qui est de l’actualisation, du professeur J.P. Genevois de l’école vétérinaire de Lyon.